Un dimanche de télé ou de travail ?

Après une semaine perturbante, hésitante, qui pose sans doute les premières bases de nos changements de paradigmes, comment penser que lorsque sonnera le lendemain à cette période de suspension, les choses reprendront leurs cours…comme si rien ne s’était passé ?

Autant de situations différentes vécues au sein des foyers, des entreprises, autant de valeurs humaines confrontées, exacerbées…

Pour mon domaine, je pense à celles et ceux qui ont vécu cette semaine intensément, à repenser une organisation, qui ont découvert au fur et à mesure des jours les dysfonctionnements quotidiens qui s’amplifiaient du fait d’une gestion différente des relations humaines. Cette première semaine est sans doute celle de la prise de marques, de nouveaux repères. Et en cette fin de première semaine, je crois déjà à la nécessité de l’analyser, l’observer pour modifier ses actions pour la semaine à venir et ainsi de suite.

Pourquoi ? Car les repères vont encore et encore changer, les prises de conscience vont se développer, les comportements surexcités liés pour certains à la découverte du « télétravail », à la notion de temps qui s’écoule différemment, à la promiscuité ou au contraire l’isolement sont mouvants.

Le télétravail mis en place en urgence n’est pas du télétravail classique. Non, c’est bien du télétravail en situation de crise. S’il n’est pas observé par les managers et les équipes, il s’étiolera. Le manager qui était peu proche de ses équipes, s’en trouvera encore plus éloigné ; le salarié qui n’était pas motivé avant son « renvoi » chez lui, sera encore plus distant dans ses missions et aura plus de mal à reprendre physiquement le jour où le confinement sera terminé.

Comme tout changement d’organisation, cette situation nécessite des repères.

Alors que j’ai toujours été convaincue par le télétravail lorsque le poste s’y prête, j’ai observé que celui/celle qui ne l’est pas, a dû mal à penser que cela puisse être possible que de travailler sans être visuellement présent est impensable. Et c’est sans doute la même personne qui a de la difficulté dans la confiance qu’il renvoie à son équipe dans sa gestion quotidienne.

Celui/celle qui a du mal à « télé-travailler » est sans doute la même personne qui a besoin d’un cadre dans son fonctionnement quotidien et qui, par manque de confiance en lui-même sur sa capacité de mise en œuvre au quotidien, attend de son responsable que ce soit lui qui le fasse.

Alors comment faire lorsque face au précipice on leur demande de sauter dans le vide, sans y avoir réfléchi, sans l’avoir anticipé ? Ils sautent avec l’angoisse, la peur et les doutes d’une gestion pérenne de cette situation.

L’un pensant peut-être que chaque jour sera un nouveau jour et l’autre en espérant qu’on ne l’oubliera pas derrière son écran.

Du saut dans l’inconnu peut être révélateur de nouveaux comportements, salvateurs dans de nouvelles façons de voir, de concevoir le travail, la collaboration.

Mais en attendant que les caverneux sortent de leur grotte comme en parlait Platon et que les délais dans un temps incertain restent courts pour la mise en place des premières actions, il m’importe de leur donner plusieurs conseils, leur permettant de rendre moins douloureux cet apprentissage, duquel ils en ressortiront gagnants :

1/ Ce que vous connaissiez n’est plus, ne cherchez pas à le retrouver : ne plus s’accrocher à ce que l’on connaissait pour découvrir une nouvelle façon de faire. Votre bureau, le chemin pour vous y rendre, l’environnement, le mobilier ne sont plus là. Les lieux de pause, les lieux de réunions ne sont plus là. Vos collègues, vos ennemis, ne sont plus là.
Ce nouveau lieu vous appartient, faites-en celui qui vous plaît et créez-vous un nouveau cadre, trouvez un nouvel endroit de pause.

2/ Les injonctions, objectifs ne sont plus : éprouvez-les sous un autre modèle. Vous connaissiez les demandes directes, indirectes, les délais, les sollicitations…elles vont être différentes, filtrées naturellement par la distance, les mails sont modifiés…ne pensez pas fonctionner de la même façon, d’autant plus dans un contexte ou parfois c’est toute une famille qui télétravaille en même temps à l’affût des nouvelles, des décisions variables.
Revoyez vos attentes, vos objectifs de la semaine, réajuster en permanence avec votre équipe, afin de maintenir un rythme qui risquerait de s’essouffler si tous les membres de l’équipe ne télétravaillent pas dans les mêmes conditions et qui laisseraient entrer une démotivation lancinante…
En début, milieu et fin de semaine faites des points courts avec l’équipe pour entretenir un dynamisme, montrer que vous là même si vous n’êtes pas là…!

3/ Les relations professionnelles sont modifiées, inventez-les ! C’est peut-être l’enjeu le plus important, repenser les relations professionnelles qui sont différentes dans cette configuration. Il est temps de jouer carte sur table si tout le monde veut que cela avance et que le télétravail ait un sens.
Le télétravail en temps de crise, dans cette circonstance fait que les limites entre la vie professionnelle et personnelle sont encore plus palpables.
Alors cassez les barrières existantes, tombez les masques, mettez de l’authenticité dans vos relations professionnelles, qu’elles soient ascendantes comme descendantes.
Si vous avez un doute sur ce point, je vous invite à vous demander ce que vous n’avez peut-être pas encore eu le temps de faire jusqu’à présent… : vous demandez ce que vous attendrez à la fin du confinement.

Oui, il y aura une fin évidemment, et penser que l’on se remettra dans sa bulle, que cette parenthèse disparaîtra me semble tout simplement impensable. Les quelque uns qui le pensent seront les premiers surpris du retour de bâton.

Platon l’a dit, quand on sort de sa caverne, on n’y retourne pas !